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Un animal redoutable mais trop peu redouté : le Cygne Noir

Trois businessmen en costume et cravate rouge courent sur un pont en parpaings qui disparaît. L'un d'eux tombe, perdant sa mallette, emporté par un cygne noir, tandis que les deux autres poursuivent leur course, symbolisant le risque de marché. L'arrière-plan est un ciel bleu avec des nuages. Le mot "Sagora" figure dans le coin supérieur droit.

Un plongeon dans les enseignements de Nassim Taleb

Les cygnes noirs, expression aujourd’hui bien connue du monde de la finance pour décrire des évènements imprévisibles, conséquents, mais rétrospectivement inévitables, n’est pas nouvelle. Pourtant, les « Black Swans », comme on se plaît à les appeler, demeurent d’éternels incompris et constituent à la fois l’eldorado et le pire cauchemar des investisseurs.

Car oui, aussi majestueux qu’il puisse paraître, un cygne, ça mord, ou du moins… ça becque. Il est donc important d’apprendre à les apprivoiser si l’on veut profiter du spectacle de leur ballet sans être entraîné au fond du lac comme Lehman Brothers et bien d’autres.

Dans cet article, nous plongerons donc dans les enseignements de Nassim Nicholas Taleb, afin de mieux appréhender ces Cygnes Noirs et d’en comprendre les conséquences via le tristement célèbre cas de Lehman Brothers. Mais avant tout, remontons un peu dans le temps pour comprendre les origines de cette notion.

Les origines du cygne noir

Née de la plume du poète latin Juvénal, l’expression « cygnes noirs » est employée pour la première fois dans son poème Satire VI. Il y compare la rareté de la femme idéale, aux multiples qualités, à celle d’un oiseau au plumage noir. Derrière cette analogie qui peut prêter à faire sourire, se cache un constat bien plus alarmant : la fragilité du système de pensée de l’homme.

En effet, à cette époque, le cygne noir était vu comme une chimère, un évènement impossible, même dans l’imaginaire le plus fertile. Et pourtant, en 1697, l’explorateur néerlandais Willem en fit la découverte, sur le sol encore inconnu de l’Australie, remettant en cause la vision jusqu’alors inébranlée des Européens, selon laquelle un cygne ne pouvait être que blanc. La théorie du cygne noir nous démontre donc qu’un simple évènement, une seule occurrence peut suffire à démolir des hypothèses et des constructions logiques élaborées au fil du temps. « Ce n’est pas parce que l’on n’a jamais vu de cygne noir que ça n’existe pas ». Une excuse à utiliser à bon escient évidemment.

Les enseignements de Nassim Taleb

Un dessin animé représente un homme et une femme regardant une ligne graphique rouge descendante. Un cygne noir s'envolant vers le bas dessine cette ligne rouge. L'homme dit : "Oh, un cygne noir !" et la femme répond : "On a peut-être fait l'autruche..." Le ciel est bleu avec des nuages blancs.

C’est à Nassim Nicholas Taleb, éminent professeur d’économie et écrivain, que l’on doit la mise en lumière du concept du Cygne Noir sur les marchés financiers pour dénoncer la sous-évaluation des évènements rares tant en termes d’occurrence que de prix. 

Dans son ouvrage intitulé : « Le cygne noir : la puissance de l’imprévisible », il expose l’existence d’évènements imprévisibles à faible probabilité, appelés cygnes noirs, qui, s’ils se produisent, ont des répercussions considérables. Dans cet article, nous nous pencherons sur trois aspects essentiels de sa théorie : la discorde entre Gauss et les Cygnes Noirs, les imperfections du cerveau humain, ainsi que la possibilité d’apprivoiser les phénomènes imprévisibles.

Il faut se méfier de la courbe de Gauss

La réputation de la star des statistiques n’est plus à faire. Avec sa courbe en cloche iconique, la gaussienne décrit la répartition symétrique des données autour de la moyenne. L’idée est simple : le plus une observation est proche de la moyenne, le plus la probabilité qu’elle se produise est élevée. À l’inverse, le plus elle s’éloigne vers les queues de la courbe, le plus l’observation se fera rare. 

Avec tout le respect que nous devons au modèle de Gauss qui s’est montré utile dans bien des situations, si nous l’écoutions pour prédire les évènements extrêmes, le krach boursier d’octobre 1987 ne devrait se produire que tous les 1017 ans ! Pourtant, parmi les évènements extrêmes de ces dernières années, on peut citer : le Krach de 1929,  l’éclatement de la bulle internet en 2000, les attentats du 11 septembre 2001, la crise financière mondiale de 2007-2008, la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, la pandémie de COVID-19,…

La Gaussienne et les marchés boursiers

Une autre manière d’illustrer les limites du modèle de Gauss est de regarder les rendements journaliers du Dow Jones index de 1928 à 2009. En effet, la loi normale nous dit que les évènements extrêmes, définis ici comme des rendements journaliers positifs ou négatifs de plus de 6%, ne devraient se produire qu’un jour sur un million. En réalité, nous sommes plus proches des 2500 jours sur un million, soit, pas loin d’un jour par an. Alors, à moins d’utiliser des calendriers différents, ces évènements se produisent bien plus fréquemment que ce que la courbe en cloche suggère.

Se fier à la courbe de Gauss, c’est donc considérer À TORT que les évènements extrêmes sont rares. Dans le contexte du marché boursier, cela peut avoir des conséquences dévastatrices, comme en témoignent les nombreuses crises systémiques.

L’exemple de Lehman Brothers

Prenons l’exemple de Lehman Brothers. La faillite de cette banque américaine en 2008 avait totalement échappé aux radars de bon nombre d’investisseurs. Et pourtant, plusieurs voyants étaient au rouge : une exposition excessive aux marchés américains des prêts hypothécaires, des produits financiers dispersant les risques à travers le monde, une stratégie commerciale fondée sur un fort effet de levier avec un faible niveau de fonds propres, et j’en passe… Portés par un optimisme ambiant, les investisseurs et les régulateurs ont ignoré ces indicateurs et en ont fait les frais.

La paresse humaine face aux Cygnes Noirs

En effet, l’esprit humain a également son lot de défauts, et ce n’est pas nouveau. Paresseux par nature, notre cerveau utilise de nombreux raccourcis, le rendant vulnérable aux biais cognitifs. Nous éprouvons une aversion pour l’incertitude, et cherchons donc des explications à tous phénomènes en essayant de les confirmer par tous les moyens possibles.

Le biais cognitif du Cygne Noir n’est qu’une illusion d’optique qui s’amuse à tromper notre cerveau. Nous interprétons l’information visuelle sur base de nos expériences passées, et remplissons nos lacunes en nous appuyant sur des schémas préexistants. Et pourtant, quelle surprise lorsque la mise au point se fait et que le tableau se révèle enfin à nous ! Alors… ouvrez l’œil !

Apprendre à apprivoiser les cygnes noirs

Nous ne pouvons pas échapper à l’improbable. Nous n’avons malheureusement aucune emprise sur les cygnes noirs qui nous poursuivent au bord du lac. Mais heureusement, nous sommes dotés d’un cerveau, de deux bras et de deux jambes que nous pouvons contrôler, pour par exemple lancer un bout de pain au volatile enragé, ou sauter derrière une barrière pour s’en protéger. Les évènements extrêmes ont toujours existé et continueront d’exister, alors autant apprendre à les apprivoiser. 

La diversification de vos actifs : un des moyens pour limiter la casse en cas d’évènements extrêmes

En tant qu’investisseur, la diversification des actifs de votre portefeuille est un bon exemple de stratégie d’ajustement aux Cygnes Noirs. Comme le dit l’adage, “ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier”. Si les cygnes noirs finissent par nous rattraper, autant pouvoir leur montrer que les œufs que nous tenons ne proviennent pas tous de leur nid, mais également de celui de la poule du voisin, de l’hirondelle du verger,… afin de nous épargner bien des déboires.

La diversification temporelle : une stratégie indispensable

Outre la diversification des actifs, la diversification temporelle est également indispensable pour faire face aux évènements extrêmes. Cela consiste à préférer étaler son investissement sur une période donnée, plutôt que de tout miser à un moment précis.

En répartissant son investissement dans le temps, on réduit le risque associé au timing du marché. Imaginons que vous disposez d’une coquette somme de 60 000 euros à investir. Au lieu d’investir la totalité de cette somme dès aujourd’hui, vous décidez d’allouer 5000 euros par mois sur une période d’un an. De cette manière, en cas de survenance d’un évènement extrême après deux mois seulement, vous ne subirez des pertes “que” sur une partie de vos investissements, soit 10 000 euros.

Ainsi, la diversification temporelle vous permet d’atténuer l’impact potentiel des évènements extrêmes sur votre portefeuille. Simplement en répartissant vos investissements de manière stratégique dans le temps.

Conclusion : comment apprivoiser les cygnes noirs pour réussir sur les marchés financiers ?

Les Cygnes Noirs ne sont pas une fatalité en soi. Ils représentent plutôt une opportunité de tester notre résilience face à l’adversité et parfois même de tirer parti de la sérendipité. En effet, jusqu’à présent, nous n’avons abordé que leurs aspects négatifs, mais ces derniers peuvent également avoir des répercussions positives. Il est donc essentiel de comprendre comment en tirer avantage tout en se prémunissant contre les évènements néfastes.

Pour cela, Taleb nous offre une série de précieux conseils :

  • restez attentif aux évènements inattendus.
  • adoptez une attitude flexible dans vos croyances et votre pensée.
  • challengez vos hypothèses et allez voir plus loin que l’évidence.

En somme, arrangez-vous pour vous placer dans des situations où les conséquences positives sont beaucoup plus importantes que les négatives.

Mais le plus important de tous : reconnaissez les limites de la connaissance et remettez constamment en question les idées reçues. C’est précisément l’approche que nous nous efforcerons de poursuivre à travers nos articles hebdomadaires !



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Sources

  • Schmit, M. (2023). Banking and Asset Management. Understanding Banking Performance [Diapositives].
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Zoé Guelenne
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